As-tu une obsession en lien avec ton travail ?

“Je peux passer des heures à lire des décisions de justice, parfois même sur des sujets assez éloignés de ceux sur lesquels je travaille. J’y découvre les “histoires” qu’elles recèlent, elles m’attristent et me mettent en colère et provoquent beaucoup d’admiration pour ces personnes que je ne connais pas et qui ont eu le courage d’affronter la justice. Et je suis passionnée par la manière dont les juges font tenir ces “histoires” dans un raisonnement juridique. Au-delà des principes que la jurisprudence édicte, en formation, j’ai souvent envie de partager ce cheminement. Je pense que c’est aussi comme ça qu’on s’approprie les concepts. C’est évidemment également utile pour les enquêtes internes.”

Une formation mal partie qui s’est bien terminée ?

“Je m’étais trompée d’horaire, j’étais arrivée avec une heure d’avance. C’est mieux dans ce sens-là ! Personne ne savait que
j’étais la formatrice. Installée à proximité de la machine à café, j’entendais mes futurs stagiaires râler à cause de la formation à laquelle ils et elles avaient été convoqué.es, “obligatoire”, “trop longue”, “infantilisante”, “à la mode” etc. Je me suis dit que la journée n’allait pas être simple… J’ai démarré la formation en
faisant un florilège de ce qui j’avais entendu en désamorçant, ça les a fait rire, et finalement, à la fin de la formation, tout le monde trouvait que c’était trop court”

Ton point fort en formation ?

“J’ai commencé il y a plus de 15 ans à former sur les violences sexistes et sexuelles au travail sans support projeté. J’avais quelques lignes directrices en tête, qui correspodaient à mes objectifs pédagogiques et un dossier papier sous le bras, qui contenait des articles de presse, de la jurisprudence, des récits de victimes, classés par thématiques avec des post-its dessus. Ce dossier ressemblait en fait à un dossier de plaidoirie. Et ça fonctionnait pas mal ! Aujourd’hui, je suis donc capable d’improviser une formation même sans réseau, sans électricité, quand un ordinateur refuse de démarrer…. Du papier et des stylos me suffisent. Mais globalement, plus j’avance en expérience et plus j’envisage la formation comme une expérience de lâcher -prise : je suis moins là pour diffuser des savoirs que pour impulser une dynamique d’intelligence collective ”

Un mot d’ordre sur les enquêtes internes ?

Plutôt une méthode, une posture : “Penser contre soi-même” et se laisser surprendre. La neutralité n’existe pas et celles et ceux qui affirment être neutres se fourvoient en ne se donnant pas la peine de chasser leurs propres biais. En revanche, on peut se donner les moyens de penser contre soi-même pour être impartial.e et respecter le principe du contradictoire de manière scrupuleuse.